Ivan Segré, Destitution: Lacan, Foucault et la cabale, Lundi matin, no. 376, 31 mars 2023
Sur la base de certains énoncés de Lacan et de Foucault, qu’il s’efforce d’élucider, Ivan Segré propose une sorte de généalogie de la notion de « critique ». Partant des observations de Foucault relatives à la critique biblique au XVIe siècle, il aboutit, via Lacan, à une réflexion sur la contingence du pouvoir. Le chemin est escarpé, mais le détour vaut le coup d’œil.
Dans l’histoire des sciences humaines, l’interprétation des rêves a d’une certaine manière succédé à celle de la Bible. Or l’herméneutique biblique avait une histoire, depuis les philologues grecs et latins de l’antiquité jusqu’à ce tournant historique que Pierre Gibert a appelé « l’invention critique de la Bible [1] » et qu’il situe entre le XVe et le XVIIIe siècle. C’est à cette « invention » que Michel Foucault se réfère lorsqu’il pose la question « Qu’est-ce que la critique ? » ; et qu’il répond :
« Et si la gouvernementalisation, c’est bien ce mouvement par lequel il s’agissait dans la réalité même d’une pratique sociale d’assujettir les individus par des mécanismes de pouvoir qui se réclament d’une vérité, eh bien, je dirais que la critique, c’est le mouvement par lequel le sujet se donne le droit d’interroger la vérité sur ses effets de pouvoir et le pouvoir sur ses discours de vérité ; la critique, ce sera l’art de l’inservitude volontaire, celui de l’indocilité réfléchie. La critique aurait essentiellement pour fonction le désassujettissement dans le jeu de ce qu’on pourrait appeler, d’un mot, la politique de la vérité. »[2]
[1] L’Invention critique de la Bible. XVe-XVIIIe siècle…
[2] Qu’est-ce que la critique, Vrin, 2015..
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